"Bottoms" : le teen movie nouveau est arrivé (2024)

Cette comédie américaine indépendante signée Emma Seligman sort en France directement sur la plateforme Prime, après avoir agité la jeune sphère cinéphile avec sa réputation de film queer et potache. Potache, il l'est; queer, peut-être moins.

Bottomsa connu un succès inattendu aux États-Unis malgré une distribution limitée, devenu assez vite culte, notamment dans les milieux queer, un film qui n’est pas sorti en salles en France. Contrairement à un autre très mauvais et politiquement douteux dont j’ai parlé il y a peu ici même, Sound of freedom, il est donc sorti directement sur la plateforme Prime."Bottoms" ça veut dire, bas, ça veut dire fond, mais soyons honnêtes, ça veut surtout dire culs.

En l’occurrence ceux reluqués non par des personnages masculins, mais par deux jeunes filles, PJ et Josie, toutes les deux lesbiennes, fréquentant le même lycée américain moyen, obsédées par l’idée, comme c’est original, de perdre leur virginité. Le problème, c'est évidemment qu’elles font partie du bottom, au sens de bas fond cette fois-ci, de l’établissem*nt: au mieux, on les ne voit pas, au pire, on les insulte, bref leur cote de popularité ne leur permet pas d’aborder les filles qu’elles ont en ligne de mire, et qui sont évidemment à l’autre bout de ladite ligne: les plus jolies, les plus stylées, et accessoirement hétérosexuelles - vous savez le type “petite amie du capitaine de l’équipe de baseball”. Un jour, elles décident d’endosser une rumeur fausse qui leur attribue un séjour en juvie, prison pour jeunes adultes, pour monter un club d’autodéfense, conçu comme un piège pour approcher, et toucher, les élues de leurs cœurs.

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Si nouveau?

Tout ça est apparemment très classique, on est en plein dans le teen movie américain, ces films qui chroniquent la vie de jeunes gens dans des établissem*nts de la classe moyenne, et dont la combinatoire amoureuse et sexuelle constitue le mécanisme principal de la fiction. Bottoms puise abondamment dans ces motifs, tout se passe dans l’établissem*nt, dirigé par un doyen strict et réactionnaire, où s’organisent matchs, bals de promotion et fêtes foraines, un film multicolore et rythmé par une bande originale qui puise largement dans les succès des années 2000. Un teenmovie classique donc, si ce n’est, et j’y reviens, que les deux héroïnes sont des filles lesbiennes, ce que ne manquent pas de relever la plupart des articles que j’ai pu lire sur le film, comme si en soi, c'était une sorte de dissidence remarquable dans le genre. Or ça ne l’est pas tant que ça, car ces deux filles fonctionnent exactement comme un autre personnage type du teenmovie, j’ai nommé le nerd, le geek, ce garçon hétérosexuel au faible taux d’attractivité, éternellement puceau, affublé de lunettes et/ou de boutons, qui cherche, avec son meilleur ami, par tous les moyens à aborder des filles.

En fait, Bottoms ne propose pas grand-chose de nouveau, et s’inscrit assez évidemment, et avec un certain panache, je ne le nie pas, dans les codes d’un genre qui regarde volontiers vers un potache de plus en plus trash, et aussi de plus en plus dé-genré. Ce n’est pas tant l’identité hom*osexuelle des héroïnes qui fait l’originalité et l’intérêt du film, - c’est même peut-être ce qu’il y a de plus conservateur: ce schéma immuable de la jeune personne moche surexcitée qui ferait tout pour attraper la plus belle et la plus populaire. Ce qui en fait le sel tient plutôt à un humour singulier, celui de la réalisatrice Emma Seligman et de sa coscénariste et également interprète Rachel Sennott, qui regarde clairement vers le stand up, vers une tradition de l’humour juif new yorkais obscène et provocateur: ça passe beaucoup plus par la langue que par le corps, des micro remarques par-ci, par-là, des inscriptions en graffitis sur les murs du lycée, ou encore des consignes d’un prof d’histoire totalement complotiste, je vous laisse avec un exemple qui m’a fait beaucoup rire: un matin les élèves entrent en classe et sur le tableau vert il y a écrit à la craie le programme du cours, je cite: “Le féminisme, qui a commencé? A) Gloria Steinem B) un homme C) une autre femme.“

À écouter : Y a-t-il une normativité queer?

Avec philosophie

58 min

À écouter : Y a-t-il une pensée queer en France ?

Affaire en cours

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